Sébastien Crétinoir vit un rêve éveillé. Formé au RC Saint-Joseph, le défenseur martiniquais de 38 ans dispute, vendredi 20 décembre, ses premiers 32e de finale de Coupe de France de football. Une première d’autant plus historique pour lui et son club : ils affrontent une équipe professionnelle, le Sporting Club de Bastia (Ligue 2), en Corse, au stade Armand-Cesari.
« C’est une fierté de jouer ce genre d’équipes. On a hâte, s’enorgueillit le défenseur. Après, on aurait préféré tomber sur une équipe de niveau inférieur pour avoir une possibilité de passer un tour supplémentaire. On sait très bien que la marche est haute. Mais on va jouer notre chance à fond. »
Pour le RC Saint-Joseph, l’histoire aurait été plus belle si cette rencontre, « la plus grande » du club selon les mots de Charles-Eric Privat, le président, se disputait à domicile, en Martinique. « On aurait joué au stade Pierre-Aliker, à Fort-de-France, devant 16 000 spectateurs, pour l’occasion. Cela aurait été un avantage pour nous. Et puis tout le peuple martiniquais aurait aimé vivre ce genre de match », explique le président du club.
Selon les règles de la Coupe de France de football, les clubs d’outre-mer, à partir des 32e de finale, quel que soit le tirage, sont dans l’obligation de se déplacer en métropole, chez l’adversaire. Impossible de délocaliser le match, en région parisienne par exemple, comme l’a proposé le club martiniquais à la Fédération française de football (FFF). Mais cette dernière a refusé, pour des raisons d’organisation.
Une cagnotte lancée pour le voyage
Après une victoire au tour précédent, remportée à La Roche-sur-Yon (Vendée) le 30 novembre, les Joséphins ont à nouveau pris le chemin de l’aéroport, deux semaines plus tard, le 15 décembre. Deux longs déplacements consécutifs qui handicapent le club amateur. « On a eu huit heures de vol aller-retour pour Paris déjà une fois. Là, on le refait. Puis, on reprend l’avion pour Bastia jeudi [le 19 décembre]. C’est un peu fatigant. Cela demande aussi d’être disponible pour prendre des congés, relève Sébastien Crétinoir, qui est technicien territorial. Je travaille pour la collectivité donc je peux m’arranger, mais un des joueurs de l’équipe est coiffeur et tient son commerce. Il n’a trouvé personne pour le remplacer et a préféré rester en Martinique. »
Dans le cadre de ce déplacement, la FFF prend en charge la totalité des frais pour un groupe de 30 personnes. Pour la venue du RC Saint-Joseph à Bastia, le coût s’élève à 75 000 euros, selon l’instance. « Sur les 30 personnes, il y a un délégué fédéral et un représentant de la Ligue de Martinique qui ne font pas partie du club, donc cela fait réellement 28, déplore toutefois le président du club martiniquais. En plus, on a une limite de 20 joueurs. Pour pouvoir faire des oppositions, il nous faut 22 joueurs. »
Deux joueurs supplémentaires ont rejoint le groupe aux frais du club. « Les billets d’avion coûtent 1 500 euros par personne », avance Charles-Eric Privat. Une cagnotte en ligne a été lancée par le RC Saint-Joseph, en attendant les subventions locales. « Au-delà de la contrainte financière, on aurait voulu jouer dans un climat qui nous avantage. Il fait 32 degrés en Martinique. En France [métropolitaine], 5 degrés. Cela demande beaucoup d’adaptation, pour un club qui est déjà handicapé par le niveau. »
« On ne pense qu’au football »
Le constat est partagé par Marc Eschbach, directeur sportif du Saint-Denis FC à La Réunion. Son équipe affronte Dives-Cabourg, dans le Calvados, samedi, pour le second 32e de finale de l’histoire du club. « Les joueurs ont toujours besoin d’un temps d’adaptation pour s’acclimater. Mais dans les conditions où ils sont logés, ils peuvent se préparer convenablement. »
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Le centre d’entraînement de l’équipe de France de football à Clairefontaine (Yvelines), qui reçoit généralement les équipes d’outre-mer, étant fermé en ce moment, les deux équipes sont installées au centre Léonard-de-Vinci, à Lisses (Essonne). L’occasion pour ces joueurs amateurs de vivre dans des conditions professionnelles : « On est nourris, logés, blanchis. On ne pense qu’à jouer au foot, c’est rare pour nous. Donc il faut profiter jusqu’à vendredi soir et notre match », souligne Sébastien Crétinoir.
Ce 32e de finale de Coupe de France est aussi l’occasion de fouler la pelouse d’un stade professionnel. Et, surtout, de bénéficier d’un coup de pouce financier. La compétition impose le partage équitable des recettes de billetterie entre les deux adversaires, mais il est d’usage que le club professionnel reverse intégralement sa part à son homologue amateur. Sans compter, qu’en cas d’exploit, le RC Saint-Joseph percevra une prime de 43 000 euros pour sa qualification.